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Emmanuelle Barbara : « Il faudrait intégrer dans le code du travail la mobilité comme principe »
Emmanuelle Barbara est avocate spécialiste en droit du travail, en droit de la sécurité sociale et de la protection sociale. Elle est également « managing partner » d’August & Debouzy. Dans le cadre d’Osons la France, elle interviendra sur la thématique des mutations du marché du travail.
Selon vous, nous sommes en train de passer d’un modèle d’Etat providence à celui d’une entreprise providence. Comment l’expliquez-vous ?
Du fait de la faillite de l’Etat Providence, un transfert de charges et de responsabilités du modèle social, au titre de la santé, de la retraite, de la formation et du bien-être s’opère jour après jour et pourrait préfigurer d’un modèle d’entreprise Providence. Sans aller jusque-là, les entreprises sont déjà co-animatrices avec l’État de nombreuses obligations dues au salarié et sont prêtes à prendre encore de nombreux engagements au travers de la Responsabilité sociétale des entreprises (RSE). L’extension de l’Accord national interprofessionnel (Ani) du 19 juin 2013 sur la qualité de vie au travail le montre. La santé au travail prend de plus en plus d’importance : on l’a vu au travers du compte personnel de prévention de la pénibilité, mais aussi de l’obligation de sécurité de résultat imposée à l’employeur.
Etes-vous favorable à l’instauration d’un contrat de travail unique qui abolirait les frontières entre CDI et CDD ?
C’est bien que l’opinion soit prête à s’emparer de sujets vus comme tabous même si le débat à ce sujet est ancien. Ce contrat unique n’est toutefois pas compatible avec certaines nécessités de la vie économique qui sont parfois ponctuelles ; il y a donc structurellement des exceptions au principe du contrat unique qui contredisent son libellé. Il faudrait plutôt faire converger les règles du CDD avec le CDI et faire dépendre la fin du contrat en fonction de la durée de la mission qui peut souvent être précisée. Plus personne n’imagine rester pendant 40 ans au même poste du travail. Intégrer dans le code du travail la mobilité comme principe, et la facilitation du passage d’un statut à un autre serait déjà un grand pas. Aucune entreprise n’est capable de s’engager sur une vision de son business à moyen terme : on n’est pas dans la même économie que dans les années 1980, quand l’entreprise rimait avec stabilité. Avec l’innovation technologique, tout devient instable mais pas nécessairement insécurisant. Cela donne de nouvelles perspectives !
Comment encourager la mobilité professionnelle?
Il faut dédramatiser la fin du contrat de travail en favorisant la portabilité des droits, en sécurisant le passage d’un poste à un autre. Avec le droit rechargeable au chômage, le Compte personnel de formation (CPF), nous évoluons déjà dans cette direction. Il faut que les droits sociaux puissent s’apprécier tout au long de la carrière. En 2013, plus de 80% des contrats signés étaient des CDD, dont une bonne partie d’une durée inférieure à un mois, ce qui implique une adaptation de notre législation. La formation est l’axe essentiel de cette mobilité : continuer d’apprendre s’impose fortement. Par ailleurs, la formation est un bien tellement précieux, que son cofinancement devrait être envisagé, notamment au travers du Plan d’épargne d’entreprise, de façon à restituer aux personnes une plus grande conscience de l’importance de leur carrière qui leur appartient.